Reddition volontaire d’ancien combattants rwandais au camp de Kamina, en 2002. (UN Photo/Yasmina Bouziane)

« Notre combat sera celui de vous apporter la paix. Une paix définitive, une paix nécessaire pour la stabilité de notre pays. Et [pour] cette paix, croyez-moi, je suis prêt à mourir ». Lundi 7 octobre, à Bukavu, le président congolais Félix Tshisekedi a pris un engagement ambitieux.

Son élection a, il est vrai, provoqué une vague de reddition de groupes armés et l’espoir que la paix revienne enfin dans les Kivus. Mais dans le territoire de Kalehe, à quelque dizaines de kilomètres de là, les habitants ne sont pas certains que ce chantier soit en bonne voie. Quelques jours avant le discours du président, le processus a même semblé s’inverser : Butachibera, le chef d’une milice Raia Mutomboki qui venait de se rendre à l’armée congolaise, est finalement retourné dans la brousse pour reprendre les armes. 

Dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres, la principale raison de l’échec de la démobilisation semble être l’impréparation des autorités. « Dans les centres d’accueils, les miliciens qui se rendent n’ont accès ni à des matelas, ni des boissons, ni même de la nourriture, déplore un gradé de l’armée congolaise actif dans la zone. Nous devons recourir à la population pour leur accueil. Si nous avions les moyens de les loger, tous les groupes armés se seraient déjà rendus ! » 

La reddition manquée de Butachibera est, en effet, très loin d’être un cas isolé. En mars dernier, déjà, Ngubito, le chef des Raia Mutomboki Kabishula, s’était rendu avec 400 hommes avant de retourner dans la forêt. Le « colonel » Mayani, de l’Union des patriotes pour la libération du Congo (UPLC) a pour sa part déposé les armes, mais la plupart de ses 500 hommes ont repris le maquis fin septembre. Dans le territoire de Fizi, au Sud-Kivu en février, plusieurs centaines de combattants du groupe Mai-Mai Réunion ont, de même, repris les armes quelques jours après avoir été cantonnés. En mars, c’est l’armée congolaise qui a attaqué les hommes du “général » mai-mai Ebu Ela pourtant en train de se regrouper pour se rendre. Ils ont depuis repris le maquis et prennent part au conflit communautaire qui déchire la région de Minembwe. Un scénario similaire s’est déroulé au Kasai en février : à Kamako, la reddition mal gérée d’un groupe de miliciens Kamuina Nsapu a fini en fusillade, et 19 de ces miliciens ont trouvé la mort, comme l’avait relevé un rapport du Groupe d’études sur le Congo (GEC). Conséquence : leurs camarades se sont depuis réarmés.

Les problèmes d’encadrement des ex-combattants ne sont pas nouveaux. En 2014, déjà, Human rights watch (HRW) avait révélé que 100 démobilisés ou membres de leur famille, étaient mors de de faim et de maladie du fait des négligences du gouvernement congolais. En 2015, un budget de 85 millions de dollars avait été mis sur pied pour l’Unité d’exécution du programme national de désarmement, démobilisation et réinsertion (UEPNDDR). Mais il n’a jamais été financé.

Faute de véritable changement dans ce domaine, la crainte se fait jour que le mouvement de reddition initié par l’élection de Félix Tshisekedi ne s’essouffle et qu’une opportunité historique ne soit gâchée. 

Le président a pourtant bien demandé, dès février, à la cheffe de la Monusco Leïla Zerrougui de l’aider sur ce dossier. Mais la mise en place d’un programme a pris plusieurs mois. Selon un cadre de la Monusco, son déploiement aurait notamment pâti de désaccords au sein de la mission onusienne. « Certains d’entre-nous voulaient que le gouvernement commence par mettre de l’ordre dans ses multiples structures chargées de ce dossier : l’UEPNDDR n’a pas été redémarré par l’équipe Tshisekedi. Une unité est aussi chargée de cela au sein de l’armée. Et Tshisekedi a chargé son conseiller Claude Ibalanky de s’occuper de ces questions : il l’a nommé coordonnateur du Mécanisme national de suivi  (MNS) de l’accord de d’Addis-Abeba. D’autres pensaient que nous devions plutôt lancer un programme ad hoc au plus vite ». 

« Il y a eu des lenteurs, c’est vrai, mais cela n’est pas de la faute de la Monusco », assure toutefois Florence Marchal, la porte-parole de Leïla Zerrougui, la cheffe de la mission. 

Quoiqu’il en soit, ce programme est enfin sur le point de voir le jour. Au terme de la réunion de Félix Tshisekedi avec les gouverneurs des provinces de l’Ituri, du Maniema, du Nord et du Sud Kivu et du Tanganyika, à Bukavu le 9 octobre, la présidence a assuré qu’un « plan DDR clair doit être présenté dans les meilleurs délais ». Le Fonds pour la consolidation de la paix des Nations-Unies a débloqué une première tranche de 6 millions de dollars pour le financer, vendredi 4 octobre. Toutefois, ces fonds ne devraient concerner que les démobilisations de miliciens dans les Kasaïs et le Tanganyika. « Dans ces provinces, la situation est plus simple que dans Kivus, explique Florence Marchal. D’abord, tous les groupes armés y sont nationaux. Ensuite, ils n’ont généralement pas de revendication politique. Notre position sur ce sujet est pas d’impunité – ceux qui se rendent et qui ont commis des exactions devront faire face à la justice – et réintégration dans la vie civile, pas dans les forces armées ». 

De fait, les précédentes vagues de démobilisation et réinsertion dans les Kivus ont donné des résultats pour le moins mitigés et sont régulièrement accusées d’avoir incité à la création de groupes rebelles pour bénéficier de ces programmes. « Nous n’allons quand même pas leur donner de l’argent contre des armes, qu’ils ne livrent d’ailleurs qu’au compte goutte », pestait ainsi une autre source onusienne il y a quelques mois, au plus fort des débats internes.

Reste que pour les groupes armés des Kivus, aucun programme n’est pour l’instant prévu. Par défaut, la principale option les concernant semble donc être de les défaire militairement. Lors de l’assemblée générale de l’ONU, Félix Tshisekedi a ainsi réclamé « une MONUSCO non pléthorique, bien équipée, forte et dotée d’un mandat adapté, à l’image de la brigade d’intervention rapide qui avait jadis mis en déroute le Mouvement M23 ». A Béni, le 10 octobre, il a annoncé une ultime attaque contre la rébellion islamiste des Forces démocratiques alliés (ADF). Et il a reconnu des « échanges de renseignements » avec les pays voisins désireux d’éradiquer les rébellions qui leur sont hostiles en RD Congo.

Le chef militaire des Forces démocratique de libération du Rwanda (FDLR) Sylvestre Mudacumura, a ainsi été tué le 18 septembre, dans une opération auxquelles des membres des forces spéciales rwandaises ont pris part. Néanmoins, l’efficacité de ce type d’opération ciblée est discutable. La disparition d’un chef de groupe armé peut parfois priver les négociateur d’un interlocuteur, et réduire les chances d’obtenir une reddition des troupes. La mort de Mudacumura n’a, en tout cas, pas empêché le Rwanda de subir, le 4 octobre, l’attaque en provenance du Congo la plus meurtrière de ces dernières années. Dans tous les cas, environ 130 groupes armés sont présents dans les seuls Kivus, ce qui suggère un problème systémique. La seule voie des armes pourra difficilement le régler.

« Pour Mme Zerrougui, il ne peut y avoir de solution purement militaire, poursuit Florence Marchal. Ces opérations ne peuvent avoir pour but que de permettre des dialogues politiques s’attaquant aux les causes profondes des conflits ». A New-York, où elle était présente fin septembre, la cheffe de la Monusco a, d’ailleurs, multiplié les plaidoyers auprès de la Banque mondiale et des pays donateurs de traditionnels de la RD Congo pour permettre de mettre enfin sur pied des programmes de démobilisations plus ambitieux. 

« Il y a une volonté de leur part de soutenir les efforts, assure Florence Marchal. Les 6 millions de dollars sont importants parce qu’ils permettent de démarrer rapidement et d’entraîner d’autres bailleurs. Mais ils ne sont qu’une petite partie des sommes que nous voulons mobiliser ». Lorsque ces nouveaux programmes finiront par voir le jour, les rebelles des Kivus seront-ils toujours disposés à déposer leurs armes ?

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