Au cours de son périple à Goma le 15 avril et à Beni le 16 avril 2019, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a promis de tout faire pour que la paix et la sécurité reviennent dans le Nord-Kivu, en affirmant que l’époque des groupes armés était révolue.
A ce sujet, si la promesse de remplacer les militaires qui ont fait longtemps au champ de bataille relève théoriquement d’une simple décision du commandant suprême des Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC), la disparition des groupes armés reste quant à elle une gageure.
Certes, dans la foulée d’une reconfiguration du paysage des groupes armés des Kivu après les élections du 30 décembre, la liste de ceux disposés à déposer les armes n’a fait que s’allonger. Ainsi après les premières redditions et captures de janvier et février, le chef Raia Mutomboki Kabishula alias Ngubito, actif en groupement de Ziralo en territoire de Kalehe, s’est rendu avec plus de 400 éléments à Nyamunyunyu le 5 mars; le Raia Mutomboki Safari, actif dans le groupement de Kalonge, toujours en territoire de Kalehe, s’est rendu le 26 mars; et le commandant de Nyatura Kavumbi s’est rendu aux FARDC le 2 avril à Kirumbu dans le territoire de Masisi.
Des pourparler seraient en cours pour la reddition volontaire de certains autres groupes armés tels que avec les Nyatura de Kalume Matthias à Lumbishi en groupement de Buzi depuis mi-avril, avec les Raia Mutomboki Maheshe le 20 avril à Nzibira dans le groupement de Mulamba en territoire de Walungu. Les Nyatura de Ngwiti seraient aussi en route vers Muheto en vue de se rendre aux FARDC.
D’autres encore ont été capturés ou tués : le 3 janvier, les FARDC ont tué Lance Muteya à Nduma, en territoire de Shabunda; les grands commandants Mai-Mai Charles Bokande et Jackson Muhukambutho ont été tués dans des attaques (par des gens non encore identifiées), respectivement à Kamuhororo le 3 février et vers Ishasha le 21 avril, tous deux dans le nord-est du territoire de Rutshuru; le chef Raia Mutomboki Kokodikoko et le chef Raia Mutomboki Vunja Vikwazo ont été capturés le 14 avril en territoire de Shabunda, mais leurs dépendants courent encore.
Toutefois il sera difficile pour le gouvernement de consolider ces avancées, et ce pour trois raisons :
D’abord, au lieu de désarmer, certains groupes armés profitent de leurs bonnes relations avec les FARDC pour se renforcer, au point de se transformer en de sortes d’Etats dans l’Etat : le cas du Nduma Defense of Congo dont le « territoire » s’est enrichi de nouvelles conquêtes dans le Masisi pendant les mois de mars et avril 2019. Non seulement sa puissance et son prestige le rendent difficile à désarmer sans accord à son avantage, mais aussi sa complicité avec les FARDC crée un dilemme de sécurité qui réduit l’enthousiasme des groupes rivaux.
Deuxièmement, et probablement le défi le plus important, il y a un manque frappant d’options pour ceux qui veulent se rendre. Le Programme national de désarmement, démobilisation et réintégration (PNDDR) n’accepte aucun nouveau candidat à la démobilisation depuis plusieurs années. Ceux qui se rendent sont parfois placés dans des camps militaires – les deux principaux sont situés à Nyamunyunyi, au nord de Bukavu; et Mubambiro, à l’ouest de Goma – avec peu de supervision ou reçoivent de simples jetons de démobilisation et sont renvoyés dans leurs villages. Au même temps, le gouvernement congolais envoie des signaux contradictoires. Par exemple, le 3 février, le chef des rebelles Ebuela est arrivé à Mikenge (territoire de Fizi) avec des dizaines de combattants; toutefois, il a fuit en brousse après que les FARDC ont attaqué ses troupes qui s’apprêtaient à désarmer à Kafulo le 2 mars.
Enfin, paradoxalement, la mort ou la capture des commandants de certains groupes armés a privé les FARDC d’interlocuteurs importants qui pourraient persuader leurs troupes de se démobiliser. À la suite de la destitution de leur commandant, certains groupes se sont fragmentés en gangs de criminels opérant sans structure de commandement claire.