Les dialogues intercommunautaires ramèneront-ils la paix sur les hauts-plateaux du Sud-Kivu ?

A Mikenge, sur les hauts-plateaux du Sud-Kivu le 1er juin 2020. Photo Monusco / Alain Likota.

Un accord a été signé le 31 mars 2021 à Kinshasa, entre les représentants des différentes communautés présentes sur les hauts et moyens plateaux du Sud-Kivu. Modestes, les organisateurs du dialogue reconnaissent qu’il ne suffira pas à lui seul à ramener la paix. Mais est-on sur la bonne voie ?

Par Pierre Boisselet, coordonateur du Baromètre sécuritaire du Kivu.

Le 31 mars se concluait, à Kinshasa, le « dialogue intercommunautaire pour la paix, la sécurité et le développement dans les hauts et moyens plateaux de Fizi, Mwenga et Uvira ». Pendant trois jours, celui-ci a réuni des « représentants » des communautés Babuyu, Banyindu, Barundi, Bavira, Babembe, Bafuliru et Banyamulenge à l’hôtel Béatrice, dans la capitale congolaise. Cette conférence concluait un processus mené par l’ONG internationale Interpeace, avec le soutien du Bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement (FCDO) britannique, pour faire baisser la tension sur les hauts plateaux du Sud-Kivu.

Zone instable

Cette zone instable depuis des décennies a connu un regain de violence depuis 2016, et surtout depuis 2018. Elle est le principal foyer de la communauté Banyamulenge, qui vit traditionnellement de l’élevage (la transhumance du bétail est régulièrement source de conflit) et parle une langue proche de celles parlées au Rwanda et au Burundi. Historiquement marginalisée et discriminée, cette communauté a vu certains de ses membres rejoindre le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame, puis des groupes armés soutenus par le Rwanda, tels que l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) et le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), dans les années 1990 et 2000, qui ont commis des exactions contre des civils du Sud-Kivu, parfois dans le cadre de conflits locaux.

Cela a contribué à renforcer la défiance et les discriminations à son égard et favorisé la création de groupes armés issus d’autres communautés, notamment de type Mai-Mai. A partir de 2018, la situation s’est à nouveau considérablement dégradée à la suite d’exactions commises par le groupe armé issu de la communauté banyamulenge « Gumino » (« restons-ici ») contre des civils, dont des chefs traditionnels d’autres communautés (comme le chef Munyindu Kawaza Nyakwana, assassiné), la présence de rebelles rwandais du Rwanda national congress (RNC) de Kayumba Nyamwasa dans la zone, et le décret confirmant la création de la commune rurale de Minembwe avec un bourgmestre munyamulenge à sa tête, qui devait ainsi échapper à l’autorité du groupement de Basimunyaka-Sud.

Nombreuses exactions

Une importante coalition de groupes armés, composée notamment des Mai-Mai Yakutumba, Ebu-Ela Mtetezi ou encore Biloze Bishambuke (issus de communautés dites « autochtones ») et des rebelles burundais de la Résistance pour un Etat de droit (RED-Tabara), que les autorités burundaises accusent d’être soutenus par le Rwanda, s’est formée pour combattre les Gumino. Ceux-ci ont commis de nombreuses exactions contre les villages banyamulenge, brûlant ces derniers, pillant leur bétail, et les forçant, de fait, à vivre dans quelques enclaves comme celle de Minembwe. De leur côté, les milices « d’autodéfense » Twigwaneho sont devenues le principal mouvement armé issu de la communauté banyamulenge, lequel a également commis des exactions toutes aussi nombreuses contre des civils d’autres communautés, provoquant également des déplacements. En août dernier, le Bureau de coordination humanitaire de l’ONU estimait à 110 000 le nombre de déplacés (toutes communautés confondues) dans la zone.

A partir de janvier 2020, Interpeace, une ONG internationale travaillant dans la résolution des conflits, a tenté d’apporter des solutions à ce problème, au moyen d’un processus communautaire. La réunion du 29 au 31 mars n’est, en effet, que l’aboutissement d’une séquence entamé au début de l’année dernière, incluant un accord de cessez-le-feu en mars 2020 (qui n’aura eu que peu d’effets durables sur le terrain) et des dialogues « intracommunautaires » .

D’après les conclusions de la réunion de Kinshasa, les représentants des différentes communautés ont constaté des convergences et des divergences persistantes, émis des recommandations et pris des engagements tels que celui de se « désolidariser des groupes armés étrangers », de « déposer les armes […] au terme d’un processus de cessez-le-feu » ou encore « de sensibiliser leurs populations respectives à éviter la détention d’armes et à oeuvrer à la paix et à la sécurité ».

Lire les conclusions du dialogue (PDF)

Des points assez généraux et peu précis, donc, qui ne désignent pas clairement les acteurs, les moyens ou le calendrier par lequel ils doivent être mis en œuvre. Les participants espèrent néanmoins que le gouvernement s’appuiera sur ce texte pour établir une « feuille de route » visant à ramener la paix. Pour avoir une chance, celle-ci devrait aller bien au-delà des recommandations, en incluant notamment une réforme de l’administration locale, des services de sécurité et un processus de Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) fonctionnel.

Les résultats de l’accord de Kinshasa n’ont, en tout cas, pas été immédiatement visibles. Les représentants de la communauté Bavira ont rejeté les conclusions du processus, estimant qu’ils avaient été marginalisés. Et plusieurs incidents sécuritaires ont eu lieu dans la zone des hauts plateaux depuis, comme à Rubarati le 31 mars (affrontements entre Twigwaneho et groupes Mai-Mai), le 1er avril à Kitanda (une femme munyamulenge tuée) ou encore le 4 avril (nouvel affrontement entre Twigwaneho et Biloze Bishambuke).

Faiblesse des interventions pour la paix

A lui seul, ce dialogue ne ramènera donc pas la paix. Ce n’était d’ailleurs pas l’ambition des organisateurs. Mais est-ce un pas dans la bonne direction ? Les exemples passés sont peu encourageants. Entre 2006 et 2020, au moins 15 processus d’accords locaux ont été organisés dans l’Est du Congo, selon une étude de Claude Iguma Wakenge et Koen Vlassenroot parue en juillet 2020. Ces processus ont été mis en œuvre par des acteurs aussi divers que des ONG (Life and peace institute notamment), la Mission des Nations-Unies en RDC (Monusco) ou encore les agences de développement suédoises ou suisse. Mais aucun des territoires visés n’a retrouvé de paix durable. « L’échec général à rendre tangible les accords locaux révèle la faiblesse des interventions pour la paix dans l’Est du Congo », notent les auteurs.

Dans un rapport à paraître analysant le conflit sur les hauts-plateaux (intitulé « Mayhem in the mountains »), Judith Verweijen, Juvénal Twaibu, Moïse Ribakare, Paul Bulambo et Freddy Mwambi Kasongo sont plus critiques encore à l’égard de ce type de processus. Selon eux les « dialogues intercommunautaires peuvent involontairement aboutir à aggraver plutôt qu’atténuer les dynamiques de conflit et de violence ». Parmi les risques évoqués, celui de masquer les conflits internes, de renforcer l’attribution des violences aux communautés (plutôt qu’aux groupes armés eux-mêmes) et ainsi accroître la stigmatisation. Cette logique était visiblement à l’œuvre à l’hôtel Beatrice si l’on en croit certaines conclusions, comme par exemple l’accusation de « facilitation par les Barundi des migrations clandestines et infiltration des étrangers ».

« L’argument développé dans ce rapport est sans doute intéressant, mais dans une situation de crise pareille, les gens s’identifient très fortement à leur communauté » commente une source onusienne qui a souhaité garder l’anonymat. « On ne peut pas nier cette réalité et la forme intercommunautaire peut être utile ».

Interpeace a en tout cas tenté de tenir compte des écueils passés. Consciente des divisions au sein des communautés, l’ONG avait notamment organisé une série de dialogues « intracommunautaires » pour chacune des communautés en 2020 afin d’aplanir les différends et dégager des représentants consensuels. Cela avait toutefois eu certains effets pervers : la conclusion de la réunion intracommunautaire Bembe, en mars 2020, par exemple, a qualifié les Banyamulenge de « Rwandais soi-disant banyamulenge », ce qui n’allait pas dans le sens d’un apaisement.

Manque de coordination

En revanche, le processus a reproduit certains problèmes identifiés dans ces études antérieures, dont le manque de coordination entre les différentes initiatives. Pendant qu’Interpeace menait son processus sur les hauts-plateaux sous financement britannique à partir de janvier 2020, une initiative parallèle, voire concurrente, se développait pour obtenir un cessez-le-feu entre groupes armés du Sud-Kivu : le processus de Murhesa, mené par les ONG Search for common ground (SFC) et Initiative pour un leadership cohésif (ILC) avec des financements des Pays-Bas, de la Suisse et de la Suède, aboutissant à la signature d’un autre cessez-le-feu (également peu respecté) en septembre 2020. Un poste de coordonateur du « peacebuilding » au sein du forum des ONG internationales serait en cours de création pour tenter de résoudre ce problème.

Mais il en était d’autres, comme le déficit de participation des autorités. La plupart des « recommandations » des participants au dialogue s’adressaient ainsi au gouvernement national, comme la gestion du dossier de la commune rurale de Minembwe, la mise en place d’un processus de DDR, ou encore l’établissement d’une feuille de route. Tous les participants auxquels nous avons pu parler ont insisté sur le fait que ce dialogue ne pourra avoir d’effet positif qu’à condition que le gouvernement s’en saisisse. Or les ministres nationaux présents lors du dialogue (celui de l’Intérieur Gilbert Kankonde et de la Défense Aimé Ngoy Mukena) appartiennent à un gouvernement démissionnaire et pourraient être remplacés lors de la nomination du nouveau gouvernement.

Les prochains ministres de l’Intérieur et de la Défense transformeront-ils ces recommandations en programme d’action ? C’est incertain, et il aurait sans doute été préférable que ce dialogue se tienne sous l’égide du nouveau gouvernement. Or le financement octroyé par le FCDO pour ce projet se terminait le 31 mars, ce qui a précipité la tenue des assises. Des discussions ont bien eu lieu en vue d’un report de la fin du financement (et donc de la réunion) à mai, mais elles n’ont pas abouti. « La présidence a été impliquée et c’est d’ailleurs le chef de la maison civile du chef de l’Etat, Bruno Miteyo qui a modéré le dialogue », relativise une source au sein d’Interpeace. « Les futurs ministres seront briefés et poursuivront le processus ».

L’autre catégorie d’acteurs capable d’agir sur le conflit, ce sont les groupes armés eux-mêmes. Or dans le cas des discussions de Kinshasa, ils étaient très minoritaires parmi les invités, n’ont pris que des engagements vagues et surtout, sans qu’il soit certain que les délégués auront la capacité de les faire appliquer au groupe armé qu’ils étaient supposés représenter. Le groupe de Michel Rukunda, alias Makanika, devenu l’un des principaux acteurs armés des hauts-plateaux, récemment renforcés par l’arrivée d’ex-officiers des FARDC, n’était par exemple pas représenté. Selon une source proche des organisateurs, acheminer plus de représentants des groupes armés à Kinshasa présentait des difficultés juridiques et sécuritaires, or les autres participants avaient insisté pour une tenue dans la capitale pour impliquer les élites nationales.

Alors, le processus initié par Interpeace pourrait-il malgré tout engendrer des avancées ? Une des conditions serait que la Monusco, les groupes armés et le futur gouvernement congolais convergent pour se saisir de ses conclusions et les étoffer pour en faire une feuille de route complète, incluant les réformes profondes nécessaires pour sortir de cette situation. Ce dialogue n’était sans doute pas le dernier.

Pourquoi la violence dans les hauts plateaux du Sud-Kivu n’est pas « ethnique » (et autres idées reçues sur la crise)

Élèves d’une école près de Minembwe, juin 2007. (Photo Julien Harneis)

Judith Verweijen est maître de conférences au département de politique et de relations internationales de l’université de Sheffield (Royaume-Uni). Ses recherches portent sur l’interaction entre la mobilisation armée, la violence et les conflits autour des ressources naturelles. Elle se concentre principalement sur l’Est de la RDC, où elle a mené des recherches approfondies sur le terrain depuis 2010.

Le 10 août 2020, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme en République démocratique du Congo (BCNUDH) a publié un rapport sur la crise qui se déroule sur les Hauts Plateaux du Sud-Kivu à l’intersection des territoires de Fizi, Uvira et Mwenga. Curieusement, le rapport se concentre sur une aire limitée des Hauts Plateaux : il omet la zone de Bijombo, où les combats se sont intensifiés à la mi-2018, après trois ans de conflit. 

Malgré cette omission, le rapport donne une indication du colossal bilan de la crise : il documente la destruction d’au moins 95 villages, 128 décès dûs à des exécutions sommaires et extrajudiciaires, 47 victimes de violences sexuelles, et le pillage et l’abattage de milliers de têtes de bétail. Cette violence a conduit à une situation humanitaire désastreuse, avec plus de 110 000 personnes déplacées. 

Le rapport du BCNUDH analyse peu les causes de cette violence. Il reconnaît que le conflit et ses origines découlent de multiples facteurs au niveau national et sous-régional, mais se limite à l’aspect intercommunautaire. C’est regrettable, car cela donne l’impression qu’il s’agit du facteur le plus important. 

Comme d’autres conflits dans l’Est de la RDC, la crise des Plateaux se caractérise par une profonde complexité. Elle implique une série de facteurs de conflit et de violence qui se jouent à différents niveaux, du local au sous-régional. Les récits mettant l’accent sur des explications simples ne fournissent qu’une pièce de ce puzzle. Voici trois de ces récits et pourquoi, à eux seuls, ils sont incomplets, voire inexacts. 

  1. La violence sur les Hauts Plateaux est le résultat d’un conflit « ethnique » ou « intercommunautaire »

L’identité ethnique a joué un rôle important dans les explications des violences récentes. De ce point de vue, elle découle des animosités entre les Banyamulenge, d’une part, et les groupes qui se qualifient d' »autochtones » – notamment les Babembe, les Banyindu, les Bafuliiru et les Bavira, d’autre part. 

Ce récit doit être nuancé. Il y a effectivement de nombreux conflits sur les Plateaux qui opposent les Banyamulenge à d’autres groupes. Ils sont liés à des contestations autour de l’autorité locale et du contrôle des terres et des ressources, dont la taxation et la réglementation des marchés, des mines et des mouvements de bétail.

Cependant, ces conflits ne se transforment pas toujours en violence armée. La violence est avant tout le fait de groupes armés et de milices de « défense locale ». Il est vrai que ces acteurs armés prétendent défendre des communautés ethniques particulières et sont souvent soutenus par des membres de ces communautés qui cherchent à se protéger. Pourtant, la plupart des citoyens ordinaires ne sont pas impliqués dans la planification, l’organisation, la direction, l’incitation ou la perpétration de la violence. Nous ne pouvons donc pas attribuer cette violence à des « groupes ethniques » au sens large. 

Plus important encore, nous devons identifier et analyser quand, pourquoi et comment les conflits deviennent violents. Comme le montre un vaste ensemble de recherches, la violence qualifiée d' »ethnique » est souvent motivée par une série d’autres motifs et objectifs, notamment les conflits interpersonnels, la concurrence économique et politique et les litiges concernant les terres et autres biens. 

Un autre problème avec le récit des « conflits ethniques » est qu’il suppose qu’il y a deux blocs homogènes : les Banyamulenge et les groupes se disant « autochtones ». Pourtant, ces groupes ont eux-mêmes de nombreuses divisions internes, qui se reflètent dans la pléthore de groupes armés liés à l’un ou l’autre côté. 

Il existe au moins trois groupes armés banyamulenge : les Twirwaneho, une coalition de milices locales qui développe également une branche politique ; les Gumino, dirigé par Shaka Nyamusharaba ; et un groupe armé commandé par le déserteur des FARDC Michel Rukunda, alias « Makanika », qui compte dans ses rangs de nombreux jeunes Banyamulenge de la diaspora régionale (Kenya, Rwanda, Burundi). Les groupes armés liés aux Babembe, Bafuliiru et Banyindu sont encore plus nombreux. Ils comprennent les Maï-Maï d’Ebuela Mtetezi, qui regroupent des commandants Bembe qui avaient auparavant leurs propres groupes, tels que Aoci et Ngyalabato ; les Maï-Maï Mulumba ; les Maï-Maï « Mupekenya » sous le commandement de Kati Malisawa, et une série de groupes essentiellement Fuliiru et Nyindu opérant sous le label « Biloze Bishambuke ». Ces derniers comprennent les groupes d’Ilunga, de Kashomba, de Mushombe et, dans la région de Minembwe, ceux dirigés par Luhala Kasororo et Assani Malkiya. 

Ces groupes armés opèrent au sein de larges coalitions, mais il y a régulièrement des tensions et parfois même des affrontements entre des groupes supposés être du même côté. Par exemple, le 2 août, les Biloze Bishambuke, sous le commandement d’Ilunga, ont affronté les troupes de Kati Malisawa près du village de Maheta, prétendument en raison d’une dispute concernant du bétail volé. Cela indique que certains chefs de groupes armés, et les acteurs politiques qui contribuent à les mobiliser et à les soutenir, ont également d’autres objectifs que la protection de leurs communautés. Ils aspirent souvent à renforcer leur propre influence politique et économique et certains ont des aspirations politiques nationales. Cela affaiblit encore l’argument selon lequel la violence est principalement motivée par un « conflit ethnique ». 

  1. La violence sur les Hauts Plateaux est liée à la création de la commune rurale de Minembwe 

Une autre explication fréquente de la violence, qui est étroitement liée au récit du conflit ethnique, est qu’elle découle de la création de la « commune rurale » de Minembwe – une entité de gouvernance locale décentralisée. La commune est devenue opérationnelle au début de 2019, à la suite de décrets publiés en 2013 et 2018, et de la nomination de ses dirigeants en février 2019. 

La commune est sans aucun doute une source de conflit. Elle est située sur le territoire de Fizi, sur des terres que les membres de la communauté Babembe considèrent comme les leurs. Ils considèrent donc la création de la commune comme un empiètement ou une occupation de leurs terres ancestrales. Certains ont également contesté la désignation du maire, qui est Munyamulenge. Mais surtout, la création de la commune est considérée comme la première étape de la résurrection du territoire (entité administrative sous-provinciale) de Minembwe.

Pendant la seconde guerre du Congo, l’administration rebelle du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), soutenu par le Rwanda, a créé le territoire de Minembwe, qui comprenait une grande partie des Hauts Plateaux et des Moyens Plateaux adjacents. Ce territoire répondait à un souhait de longue date des Banyamulenge, à qui les autorités coloniales avaient refusé une chefferie ou un groupement – des entités de gouvernance locale généralement formées selon des lignes ethniques. En conséquence, ils ont été soumis à la domination de chefs coutumiers d’autres communautés. Le territoire, où ils dominaient l’administration, a résolu ce problème. De plus, en prévision des futures élections, le territoire, qui est une circonscription électorale, aurait permis aux Banyamulenge d’accroître leur représentation politique au parlement. Etant minoritaires dans chacun des trois territoires qui composent les Hauts Plateaux, ils avaient eu des difficultés à faire élire leurs candidats. Enfin, le territoire a rapproché l’administration locale des habitants de cette région isolée, leur permettant d’y obtenir des actes de naissance et autres documents officiels. 

La création du territoire – qui a été officiellement abolie en 2007 – a été fortement contestée par d’autres groupes, qui y ont vu une rupture avec leurs terres ancestrales. En outre, elle semblait confirmer une théorie du complot selon laquelle les Banyamulenge seraient à l’avant-garde d’une invasion étrangère tentant d’exproprier et de déplacer les groupes « autochtones » et d’usurper leur autorité locale. Les membres de ces groupes ont donc un mauvais souvenir du territoire de Minembwe. En outre, elle a provoqué des conflits de leadership, parfois toujours en cours aujourd’hui. De nombreuses personnes anciennement nommées ont continué à se comporter comme des autorités locales de facto, même si elles n’occupent plus de poste officiel. 

Pour ces raisons, le territoire de Minembwe a une fonction hautement symbolique, en tant que marqueur de division et de violence. La commune rurale évoque des sentiments forts similaires, étant profondément inscrite dans les luttes autour de l’autorité et de l’identité locales. Elle est également devenue une affaire politique nationale. Si d’éminents dirigeants banyamulenge – dont Azarias Ruberwa, actuellement ministre de la Décentralisation – soutiennent la commune, de nombreux hommes politiques bembe, fuliiru et nyindu, comme Pardonne Kaliba, l’ont dénoncée. La commune a également suscité un débat animé parmi les Congolais de la diaspora. 

Pourtant, la violence sur les Hauts Plateaux, ainsi que l’émergence de la plupart des groupes armés impliqués dans les combats actuels, sont antérieurs à la création de la commune. La violence sur les Plateaux est fréquente depuis 1996. Le cycle actuel a commencé en 2016 et s’est intensifié à la mi-2018. Cette escalade s’est d’abord produite dans le groupement de Bijombo. Ce groupement n’est pas inclus dans la commune rurale, dont la surface est beaucoup plus petite que le territoire (aboli) de Minembwe. Bijombo a également une dynamique de conflit distincte. Cette dernière tourne dans une large mesure autour du poste de chef de groupement – pour lequel il existe de multiples prétendants liés à différents groupes ethniques. Un autre site de violence importante est la région d’Itombwe, qui n’est pas non plus incluse dans la commune. 

En résumé, même si elle est une source importante de conflit et figure en bonne place dans les discours des belligérants, la commune n’est qu’un des nombreux facteurs des combats actuels. Elle n’explique pas pourquoi et quand des groupes armés sont apparus sur les Plateaux et qui ils ciblent par leur violence.

  1. La violence sur les Hauts Plateaux est le résultat d’une ingérence étrangère

Comme le montrent notamment le Groupe d’experts des Nations unies sur la RDC et RFI, les coalitions de belligérants qui combattent sur les Plateaux comprennent des groupes armés étrangers, notamment les groupes burundais Résistance pour un état de droit au Burundi (RED-Tabara) et Forces nationales de libération (FNL), ainsi que le Rwanda national congress (RNC). Ils ont parfois aussi inclus des soldats liés aux gouvernements des pays voisins, qui ont en outre accueilli des réseaux de recrutement et d’approvisionnement. Dans le même temps, l’Est de la RDC a connu plusieurs guerres déclenchées par des ingérences étrangères. Il est donc facile de conclure que les troubles sur les Plateaux résultent d’une nouvelle ingérence. 

Pourtant, cette explication passe sous silence les nombreux conflits autour de l’autorité locale mentionnés ci-dessus. Elle néglige également le rôle des acteurs politiques provinciaux, nationaux et de la diaspora dans le soutien à la mobilisation armée et à la polarisation. En outre, le langage de « l’ingérence étrangère » est quelque peu trompeur. Il laisse entendre que tout le pouvoir réside du côté des forces étrangères, qui manipulent les intermédiaires congolais comme ils l’entendent.

Cette lecture néglige le fait que les chefs des groupes armés et les acteurs politiques congolais disposent d’une importante marge de manœuvre quant aux forces étrangères avec lesquelles ils s’allient. Des changements occasionnels dans ces alliances témoignent de cette autonomie. Ces changements montrent également que de telles alliances sont mutuellement bénéfiques. Grâce à leurs alliés étrangers, les groupes congolais gagnent en capacités militaires, par exemple, en acquérant des armes lourdes. Cela permet à ces groupes de mieux faire valoir leur position dans les conflits autour de l’autorité locale et de l’accès aux ressources. Ainsi, l’implication d’acteurs étrangers ne peut être considérée indépendamment des dynamiques locales de conflit et de violence ; elles sont imbriquées et se renforcent mutuellement. Cela dit, l’ingérence étrangère a clairement contribué à une escalade significative de la violence, même si elle n’en est pas la cause. 

Quelle est donc la racine de cette terrible violence ? Il existe un certain nombre de mécanismes qui s’imbriquent les uns dans les autres. Tout d’abord, le récit de la « violence ethnique » est devenu une prophétie qui se réalise d’elle-même : tous les types de conflits et d’incidents de violence sont vus principalement à travers un prisme ethnique, même si d’autres facteurs sont également à l’œuvre. Cela active un deuxième mécanisme, qui est l’attribution de la responsabilité collective pour des actes de violence individuels. En conséquence, les civils sont attaqués en représailles des violences commises par les groupes armés. Ce brouillage des frontières entre les groupes armés et les civils est un facteur important des cycles de violence par vengeance. L’impunité généralisée a encore aggravé cette situation : les auteurs individuels n’étant pas tenus de rendre des comptes, la responsabilité est reportée sur les groupes dans leur ensemble. 

Un autre mécanisme clé est la militarisation, ou la tendance des dirigeants locaux et des élites politico-militaires à recourir à la force afin de gagner du terrain dans les conflits et les luttes de pouvoir. Cela n’implique pas seulement les politiciens, les hommes d’affaires et les chefs militaires en RDC, mais aussi les acteurs gouvernementaux et d’autres élites au niveau de la région des Grands Lacs. 

L’émergence et la persistance de groupes armés ne sont cependant pas seulement le résultat de la militarisation : elles découlent également de dilemmes sécuritaires locaux liés à la méfiance mutuelle entre les communautés. La présence de groupes armés considérés comme défendant des communautés ethniques particulières incite les membres d’autres communautés à soutenir également les groupes armés. La même logique pousse ces groupes armés à maintenir un équilibre militaire du pouvoir, ce qui motive des attaques visant à affaiblir l’ennemi. Les dilemmes locaux en matière de sécurité reposent essentiellement sur un manque de confiance généralisé dans les forces de sécurité de l’État, qui sont accusées de partialité par toutes les parties. Il est également enraciné dans une histoire de violence remontant aux guerres du Congo, qui a instillé de l’amertume et une profonde méfiance entre les différents groupes. 

Ces divers mécanismes se jouent à différents niveaux et se renforcent mutuellement. Par exemple, l’implication d’acteurs armés étrangers est en partie le résultat des stratégies des politiciens et des chefs militaires opérant au niveau national. Une fois présentes, ces forces étrangères exacerbent les dilemmes de sécurité locale et les conflits autour de l’autorité et des ressources locales. De cette manière, les dynamiques de conflit et de violence à différents niveaux s’entremêlent. Les explications monocausales, comme le trope paresseux de la « violence ethnique » ne rendent pas justice à cette complexité. En fait, elles peuvent exacerber la situation. Elles essentialisent encore plus les identités et légitiment l’attribution de la responsabilité de la violence des groupes armés aux communautés civiles. En décrivant la violence dans l’Est de la RDC, nous devons donc nous efforcer de trouver un langage analytique adéquat. 

Qui vole l’argent des FARDC ?

En cet après-midi du 20 février, la jeep verte de l’armée congolaise fonce sur la RN2, entre Goma et Rutshuru-Centre. A son bord, sept soldats des FARDC et un précieux chargement : les soldes du 3416e régiment. Plus de 100 000 dollars, cash. 

Mais à l’approche du village de Rwaza, le convoi est stoppé net. « Des assaillants avaient mis en place un bouchon sur la route et s’étaient positionnés pour bloquer l’arrivée des renforts, détaille un officier des FARDC, dans son bureau du siège de la 34e région militaire, à Goma. Quand la jeep est arrivée ils ont mis en place une contre-retraite pour empêcher la fuite. Aucun passager n’a survécu. C’était du travail de professionnel ». 

Peut-on imaginer que pareille embuscade se soit produite sans complicités au sein de l’armée ? Une enquête a, depuis, été confiée à l’auditorat militaire. Mais déjà, le porte-parole du secteur opérationnel Sukola 2, le major Guillaume Ndjike, accuse les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR-Foca). Elles seraient, selon lui, les principales forces ennemies à opérer dans la zone.

Pourtant, l’analyse des données du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST) suggère que Rwaza ne fait pas partie de la zone d’opération de ce groupe depuis au moins six mois. Les environs du village ont en revanche été touchés à plusieurs reprises par des incidents impliquant notamment les FARDC et la milice Nyatura FDP (Forces de défense du peuple), alliée aux FDLR.

L’étoile rouge représente le lieu de l’embuscade du 20 février et les points de couleur les incidents enregistrés par le KST au cours des six mois précédents.

Quels qu’ils soient, les assaillants se sont volatilisés dans le parc des Virunga avec le magot. Ne restait que la rancœur des soldats, privés de leur maigre salaire. Elle s’est violemment exprimée dans les heures et les jours qui ont suivi : des FARDC ont mené des représailles indiscriminées tuant quatre civils – tous issus de la communauté hutu – entre le 20 et le 23 février selon les données recueillies par le KST. 

A la 34e région militaire, on ne nie pas que des civils aient pu être tués en marge de l’embuscade. Mais, selon notre officier il s’agit exclusivement de victimes collatérales des échanges de tirs. 

Reste que l’affaire embarrasse. D’autant que c’est la deuxième fois en moins d’un mois, sur le territoire de Rutshuru (Nord-Kivu), que des militaires se soulèvent pour réclamer leur dû. La fois précédente, c’était à Nyanzale, le 27 janvier, après que des soldats du 3407e régiment aient accusé leur commandant d’avoir détourné une partie de leurs rations alimentaires. Les militaires avaient fait « grève », tirant en l’air et refusant d’intervenir lors d’un kidnapping. Cette attitude a tant énervé les habitants qu’une journée « ville morte » a été déclarée dans cette localité le 28 janvier. Quatre personnes, soupçonnées d’être les ravisseurs, ont même été lynchées par une foule. Mais l’institution militaire nie, là aussi, tout problème. « Le commandant n’a rien détourné, explique le major Ndjike. Il a seulement pris une mesure pragmatique et bienvenue : les poissons congelés destinés aux soldats allaient pourrir avant de pouvoir être acheminés dans cette zone reculée. Il a donc décidé de les vendre pour acheter de la viande à la place. Un seul soldat s’est plaint a tiré sur un de ses amis. Il a été arrêté ».

Ces événements, spectaculaires, ne sont en réalité que la partie visible d’un phénomène bien plus vaste : l’incapacité chronique des FARDC à assurer une paie décente et régulière aux soldats. En cause, souvent, des détournements mis en œuvre selon plusieurs procédés, comme le prélèvement d’une partie de l’argent liquide destiné aux troupes par la hiérarchie, ou la déclaration par celle-ci d’effectifs bien supérieurs à la réalité, ce qui permet la captation de soldes destinés à des soldats fictifs.

Ces procédés – et notamment le gonflement des effectifs – ont été employés massivement dès la création des FARDC en 2003. A la fin de la deuxième guerre du Congo, cette armée a en effet été fondée par l’amalgame de troupes de plusieurs belligérants après la signature de l’accord de paix de Sun City : les Forces armées congolaises (FAC), le Rassemblement congolais pour la démocratie/mouvement de libération (RCD/ML) et national (RCD/N), le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) et des groupes mai-mai. Chaque partie avait intérêt à augmenter artificiellement le nombre de ses combattants, pour exagérer ses forces – et ses capacités de détournement. Une évaluation, menée par l’Afrique du Sud, en 2004, avait ainsi estimé qu’entre 30 et 55% des membres des nouvelles FARDC étaient fictifs. 

Malgré les efforts d’amélioration du système, avec notamment la mise en place d’un recensement biométrique et la séparation de la chaîne de paiement d’avec la chaîne de commandement avec le soutien d’une mission de l’Union européenne (EUSEC) à partir de 2005, les problèmes ont perduré. Les vagues successives d’intégration de rebelles, parfois précipitées, comme celle du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) en 2009, ont contribué à maintenir confusion et inflation des effectifs. En 2011, le processus de « régimentation » (le passage d’une organisation de l’armée en “brigades” à une organisation en “régiments”), qui devait à son tour permettre d’éliminer les soldats fictifs, a de nouveau révélé l’ampleur du problème. Dans la province du Sud-Kivu par exemple, les 35 000 soldats officiellement enregistrés ont été réévalués à moins de 16 000

En 2012, le gouvernement du Premier ministre Matata Ponyo tenta à son tour de mettre fin aux détournements des soldes avec la mise en place de la « bancarisation ». Désormais, les soldats seraient payés directement sur un compte en banque plutôt que par leur hiérarchie. 

Si ce système, toujours en vigueur, a permis d’éviter certaines malversations et d’améliorer la ponctualité des paiements, il n’a pas réglé tous les problèmes. D’abord, tous les régiments n’en bénéficient pas. Ceux qui ont été récemment créés, ou ceux dont les positions sont éloignées de toute agence bancaire, peuvent continuer d’être payés en liquide. C’est notamment le cas du 3416e régiment, ce qui explique que leurs soldes, transportées physiquement, aient pu être dérobées lors d’une embuscade. 

Ensuite, les commandants peuvent être tentés de cacher leurs pertes afin de conserver le contrôle des soldes des militaires décédés ou déserteurs. « La bancarisation, qui devrait théoriquement empêcher cette pratique, est parfois contournée car les commandants peuvent fabriquer des procurations pour retirer l’argent, explique une source qui a longtemps travaillé pour une des banques prisées par les FARDC. Nous avions fréquemment des cas de veuves qui se plaignaient que les soldes de leur mari décédés étaient retirés sans qu’elles ne sachent par qui ». 

Enfin, seules les soldes sont à ce jour bancarisées. Les diverses primes restent versées en liquide. Et elles sont importantes : fonds opérationnels, fonds de ménage opérationnels, primes de commandement, fonds spéciaux de renseignement, fonds de conduite des opérations, fonds de soins et funérailles, fonds de ménage ordinaire… Dans sa thèse, publiée en 2015, la chercheuse Judith Verweijen en avait dénombré sept types différents, offrant autant d’opportunités de détournement. Au total, ces fonds représenteraient un volume plus importants que les soldes des militaires elles-mêmes.

Ce sujet est donc central pour Félix Tshisekedi qui mise sur amélioration des conditions de vie des soldats pour accroître sa popularité au sein de l’armée, avec laquelle il avait très peu de relations avant de devenir président.

Par ailleurs, l’ancien chef des renseignements militaires, Delphin Kahimbi, avait alerté, le 9 janvier, en pleine opération contre les Forces démocratiques alliées (ADF), qu’un « certain mécontentement » se faisait « sentir sournoisement » dans les rangs des FARDC, « dû au non-paiement des différentes primes et autres fonds (FM, FSR, etc) depuis près de trois mois, accentuant en quelques sortes la précarité de leurs conditions de vie » dans une lettre qui avait fuité.

Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Une augmentation de dix dollars mensuels est  entrée en vigueur en janvier 2020. Selon une source au ministère des Finances du Nord-Kivu, les soldats les plus modestes perçoivent désormais 156 000 francs congolais par mois, soit 92 dollars

Mais pour que ces mesures aient un impact – et donnent à Félix Tshisekedi un avantage, dans la lutte d’influence qu’il livre à Joseph Kabila – encore faut-il que cet argent parvienne aux destinataires.

De ce point de vue des efforts semblent avoir été fait depuis la dernière présidentielle. La loi de finance 2020 recense en effet environ 205 000 “traitements de base du personnel permanent” pour les “militaires, policiers, sécurité”, contre 221 000 l’année précédente, ce qui suppose qu’un certain nettoyage dans les listes des effectifs. 

Par ailleurs, des auditions de militaires ont été menées ces derniers sur la question des détournements de fonds. Ce fut le cas du général Fall Sikabwe, commandant de la 3e zone de défense, convoqué à Kinshasa, pour être interrogé sur des soupçons de détournements de fonds – fait relativement rare à ce niveau de hiérarchie.

Le président Tshisekedi semble être par ailleurs incités à agir en ce sens par les Etats-Unis, “partenaire stratégique pour la paix et la prospérité” de la RD Congo. Le 27 février, l’ambassadeur de Washington à Kinshasa, Mike Hammer, a ainsi twitté : “comme nous l’avons déclaré constamment, ceux qui sont corrompus, commettent des violations des droits de l’homme ou qui perturbent le processus démocratique doivent être tenus pour responsables”, lors de l’annonce de la suspension du chef du renseignement militaire des FARDC, le général Delphin Kahimbi.


Mais ces auditions et mises en garde suffiront-elles à assainir la gestion de l’argent des FARDC ? Judith Verweijen en doute. « La question du détournement des soldes n’est qu’une petite partie d’un vaste système de génération des recettes au sein de l’armée, explique-t-elle. Les commandants génèrent bien plus de revenus au moyen de trafics ou encore de taxations illégales, aux barrages routiers ou encore sur les sites miniers. Et ils doivent rétrocéder une partie de ces revenus à la haute hiérarchie qui les a nommés à ces postes. Ce système est donc profondément enraciné à tous les niveaux et je ne suis pas sûre qu’une amélioration de la paie des soldats puisse suffire à y mettre fin. »

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